La réponse de Isabelle Taubes(psychothérapeute et psychanalyste).
Vous aimeriez vaincre votre jalousie... En ce qui me concerne, je ne peux m’empêcher de relever votre merveilleux lapsus : « Je suis éprise d’une terrible jalousie qui me ronge chaque jour ». J’imagine que vous aviez l’intention d’écrire : « Je suis prise d’une terrible jalousie... » Mais, comme vous le savez sans doute, un lapsus est un ratage signifiant qui met à jour un désir inconscient. Par conséquent, ce lapsus exprime-t-il que vous éprouvez des sentiments intenses pour l’objet de votre flamme, de votre passion : votre ami ? Ou raconte-t-il qu’une part de vous tient beaucoup à vivre dans la jalousie ? En tout cas, ce lapsus renvoie à une vérité universelle : la jalousie est une terrible passion de l’âme. Etymologiquement, la passion, c’est ce dont on pâtit, dont on souffre et qui nous installe en position de passivité. Mais, vous souhaitez réagir, dites-vous ! Vous avez commencé à éprouver de la jalousie depuis deux semaines. S’est-il passé quelque chose de particulier dans votre tête ? Dans votre couple ? Avez-vous déjà ressenti ce sentiment dans vos relations passées ? Et vos parents, quel couple formaient-ils ? Etaient-ils unis ? L’un des deux était-il infidèle ? L’autre réagissait-il par la jalousie ?
La jalousie est l’un des sentiments les plus archaïque. Elle renvoie à la terreur de l’enfant d’être abandonné par ses parents. Par la suite, dans la vie adulte, elle signale la peur de perdre quelque chose de notre intégrité psychique si le partenaire regarde ailleurs. Très fréquente chez les individus manquant d’assurance, elle est parfois le symptôme d’événements mal digérés de l’enfance : l’infidélité de l’un des parents (surtout si l’on en a été témoin ou que l’on a observé la douleur de l’autre conjoint) ou la naissance douloureuse d’un cadet.
Le sentiment de jalousie résulte parfois aussi d’un désir personnel d’être infidèle qui est alors projeté sur l’autre. Vous dites avoir trompé vos ex-copains : peut-être craignez-vous que votre nouvel ami agisse comme vous-même l’avez fait. Auquel cas votre sentiment de jalousie serait une sorte d’autopunition que vous vous infligez. Mais soyez rassurée : il n’y a que très peu de justice en ce bas monde. Ce que nous faisons à autrui ne nous retombe pas nécessairement sur l’échine. Mais peut-être aussi est-ce la première fois de votre vie que vous aimez vraiment un homme. Et vous avez peur de le perdre parce qu’inconsciemment, pour vous, amour rime avec abandon. C’est souvent le cas des personnes qui dans leur enfance ont perdu un être cher qui a disparu brutalement, sans explication, de leur vie.
Votre jalousie vous pousse à l’action. Vous vous transformez en espionne pour savoir à qui votre ami téléphone ou qui l’appelle. C’est un jeu dangereux auquel vous ne pouvez que perdre. Car, quoi que vous découvriez, ce ne pourrait qu’être décevant. Si vous êtes persuadée qu’il y a quelqu’un d’autre, rien ne pourra vous assurer du contraire. Et si des éléments vous donnent à penser que vous avez peut-être raison, rien ne vous permettra de savoir ce qui se passe réellement. Le fait d’être la compagne ou le compagnon de l’autre ne nous donne jamais le droit de violer son jardin secret. Qu’il efface la liste des appels reçus ou donnés de son téléphone ne constitue pas forcément une preuve de sa "culpabilité", ce peut être tout simplement le signe qu’il tient à protéger son intimité. Et qu’il se montre prévenant à votre égard n’est pas davantage un signe d’infidélité : il a peut-être compris que vous lui demandiez plus de tendresse.
Il est clair que la situation vous angoisse puisque vous tremblez quand son téléphone sonne ou qu’il doit se rendre ailleurs sans vous. Que craignez-vous ? Qu’il disparaisse ? Ou bien avez-vous la sensation de cesser d’exister quand il n’est pas auprès de vous ? Au lieu de vous torturer, le plus simple serait de lui faire part de vos craintes, de vos doutes. Verbaliser, analyser votre angoisse semble, dans votre situation, une bonne solution pour dépasser votre trouble.